Hors de contrôle
Mais la connaissance est différente de la propriété par bien d’autres aspects, au moins aussi importants. En premier lieu, elle n’est pas spontanément « exclusive ». Si vous entrez chez moi, je peux vous en faire sortir (vous exclure de ma maison). Si vous volez ma voiture, je peux la reprendre (vous exclure de ma voiture). Mais une fois que vous avez entendu ma chanson, une fois que vous avez lu mon livre, une fois que vous avez vu mon film, il n’est plus sous mon contrôle. A part avec des électrochocs à forte dose, je ne peux pas faire en sorte que nous oubliiez les phrases que vous venez de lire.
C’est cette différence qui rend le terme « propriété » si troublant dans l’expression « propriété intellectuelle ». Si tous ceux qui entrent dans ma voiture en emportaient une pièce, cela me rendrait fou. Je passerais mon temps à m’inquiéter de tout ceux qui franchissent mon seuil, je leur ferais signer toute une collection d’engagements quand ils veulent utiliser mes toilettes et ainsi de suite. C’est d’ailleurs ce qu’expérimentent tout ceux qui ont acheté un DVD et doivent subir un petit film insultant leur rabâchant « qu’ils ne voleraient pas une voiture ». C’est exactement le genre de comportement qui découle de l’usage de la propriété alors qu’il s’agit de connaissance.
Mais pourtant, il y a plein de choses valables autour de nous qui ne sont pas de l’ordre de la « propriété ». Par exemple, ma fille, qui est née le 3 février 2008. Elle n’est pas ma « propriété ». Mais elle m’importe sacrément. Si vous me l’enlevez, le crime ne sera pas un « vol ». Si vous la blessez, ce ne sera pas « violation aux biens mobiliers ». Nous avons tout un vocabulaire et un ensemble de concepts légaux pour régir les valeurs mises en jeu dès que nous parlons d’êtres humains.
Plus encore, même si elle n’est pas ma « propriété », j’ai néanmoins toute une série d’intérêts reconnus sur ma fille. Elle est « mienne » dans un sens très profond, mais elle est aussi sous la responsabilité de bien d’autres entités – les gouvernements du Royaume Uni et du Canada, la Sécurité sociale, le service de protection de l’enfance, et même toute sa famille qui peuvent tous prétendre intervenir sur les biens, la situation et l’avenir de ma fille.