Un droit d’auteur malade qui criminalise les nouveaux usages

Par Nicolas Gary

L’affaire Houellebecq a des ramifications bien plus vastes qu’un conflit portant sur des emprunts à Wikipédia

Sensible à l’affaire Houellebecq-Wikipedia, la Quadrature du Net, contactée par ActuaLitté, vient de nous donner sa position, sur un sujet particulièrement délicat.

Ceux que le cabinet de Christine Albanel avait avec mépris désignés comme « cinq gus dans un garage qui font des mails à la chaîne », portent un regard particulièrement intéressant sur la situation.

Une création nouvelle

Jérémie Zimmermann, membre du conseil d’administration de l’April et cofondateur de la Quadrature, qui avait particulièrement fait parler d’elle dès les premières heures d’Hadopi, rejoint ainsi les conclusions que nous livrait Libre Accès. « La réutilisation par Michel Houellebecq de morceaux de texte qu’il n’a pas écrits démontre que les nouvelles pratiques culturelles passent par le remix, la réutilisation, le travail participatif », explique-t-il.

Pour Libre Accès, la situation est évidente, ainsi que nous en faisait part Jérémie Nestel, cofondateur, pour qui, aucun doute : « L’exemple de Houellebecq prouve l’absurdité de lois comme ACTA, tentant de mettre des cloisons tout autour de l’escroquerie sémantique qui est désignée sous l’expression ‘propriété intellectuelle’. » (notre actualitté)

Pour qui logerait sur Pluton (un peu prétentieux de croire que l’affaire est parvenue jusqu’aux oreilles des Plutoniens), l’histoire se résume à un acte de réutilisation de certains passages de l’encyclopédie Wikipédia dans le dernier roman de Houellebecq, La Carte et le territoire.

Un droit d’auteur malade

« Dans l’état actuel du droit ça donnerait lieu à des affaires pour contrefaçon extrêmement complexes, nécessitant que soient précautionneusement appréciés la participation des uns et des autres, la proportionnalité des sanctions, le préjudice, etc. », poursuit Jérémie Zimmermann. Et pour cause : depuis que Florent Gallaire s’est appuyé sur une démonstration juridique litigieuse, pour démontrer que, vu que le roman de Houellebecq emprunte à Wikipedia, alors il doit être soumis à la même licence d’utilisation : Creative Commons BY-SA.

En clair, son roman deviendrait alors une oeuvre libre de droit. Pour Jérémie Zimmermann, l’affaire pointe également les lacunes de l’actuel appareil judiciaire. « En aucun cas des affaires de contrefaçon de cette complexité ne peuvent être gérées par des machines, ou par des sociétés privées, seulement par des juges. Or un droit d’auteur malade, obsolète, va toujours plus loin dans la direction de criminaliser les nouveaux usages, et confier à des autorités administratives (HADOPI) ou à des sociétés privées – comme c’est le cas avec les polices privées d’HADOPI, ou avec la pression mise sur les intermédiaires d’Internet avec l’accord ACTA – l’application du droit d’auteur. »

La conclusion s’impose d’elle-même : « Il faut tout réformer le droit d’auteur pour remettre le public et les nouveaux usages au cœur du dispositif. Pour permettre l’essor de la culture du partage et du remix permise par les technologies numériques, au lieu de les restreindre en tentant de les contrôler. »

Ce matin, c’est BHL qui intervenait sur France Info pour demander que l’on « lâche la grappe à Houellebecq », et aspirant à ce que l’on ne réduise pas le débat à « la question de la gratuité d’accès ».

Texte sous licence Creative Commons BY-NC-ND
URL d’origine publié le 29 novembre 2010: http://www.actualitte.com/